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Au coeur d’une révolution fondamentale

Jean-François Terminaux a pris la présidence de l’association Finance & Technology Luxembourg à la suite de Thierry Seignert. Accompagné par Denis Stoz, désormais vice-président, il évoque les enjeux auxquels sont actuellement confrontés les PSF de support.

July 19, 2017

Jean-François Terminaux a pris la présidence de l’association Finance & Technology Luxembourg à la suite de Thierry Seignert. Accompagné par Denis Stoz, désormais vice-président, il évoque les enjeux auxquels sont actuellement confrontés les PSF de support.
Par Sébastien Lambotte, paru dans l’ITnation Mag de Juin.

Aujourd’hui, que représente l’association Finance & Technology Luxembourg ?

Jean-François Terminaux, Président- Finance et Technology

Jean-François Terminaux ( JFT ) : L’association a été créée pour rassembler les PSF de support, afin d’être représentative de l’activité et être un interlocuteur de référence dans le paysage luxembourgeois. Aujourd’hui, Finance & Technology Luxembourg rassemble quelque 60 membres sur les 80 PSF de support agréés par la CSSF. L’année dernière, nous avons fait évoluer les statuts de notre association, pour notamment y accueillir les acteurs de la FinTech, qui prendront une place de plus en plus prépondérante dans l’écosystème digital au service de la finance.

En effet, à travers ces discussions relatives à l’article 41, Finance & Technology Luxembourg a émis de vives réserves par rapport au projet initial du ministre.

Pouvez-vous nous rappeler les raisons de cette opposition ?

JFT : Malgré ce que beaucoup ont pensé, nous ne sommes pas opposés au changement. On parle de discussions essentielles pour nos membres et pour le Luxembourg dans son ensemble, d’enjeux qui méritaient que l’on attire l’attention du ministère sur les conséquences que son projet pouvait induire. Ce que l’on sait moins, c’est que la volonté de changer, de s’ouvrir, était déjà présente avant la présentation de ce texte de loi. Le projet de Monsieur Gramegna est arrivé brutalement, alors que nous formulions depuis plusieurs années des invitations régulières en faveur d’une évolution du cadre, vers plus d’ouverture. Et, d’un coup, nous nous sommes retrouvés face à un texte sujet à interprétation que l’on percevait comme voulant être imposé en urgence.

A partir de là, quelle position avez-vous défendue au fil des négociations ?

Denis Stoz, Vice Président – Finance et Technology

Denis Stoz ( DS ) : Nous avons toujours voulu accompagner la loi en représentant nos membres, et cela, dans le cadre du mandat que ceux-ci nous ont donné. Au cœur d’un texte de loi, chaque mot compte et doit être pesé. Dans le projet initial, tel qu’il était formulé, il y avait de nombreux éléments qui pouvaient être sujets à interprétation, des formulations qui n’étaient pas suffisamment claires et qui étaient susceptibles d’entrainer des impacts majeurs.

Dans la première note formulée au ministère, l’association évoquait des conséquences dramatiques pour l’IT dans la finance au Luxembourg…

JFT : Nous avons voulu donner notre interprétation au gouvernement, ce que nous voyions comme conséquences possibles, au regard du texte tel qu’il était rédigé au départ. Notre demande visait la réalisation d’une étude d’impacts approfondie. Ce que le ministère des Finances a refusé. Précisons aussi que nous n’étions pas les seuls à avoir agi dans ce sens, et que nous n’avons pas été les plus alarmistes, en termes de conséquences pour l’emploi. On nous a attribué, pendant un moment, l’idée que 20.000 emplois étaient susceptibles de disparaître. Notre analyse, qui résultait d’un questionnaire envoyé à nos membres, a évoqué 4.000 à 5.000 pertes d’emploi. Mais, quelles que soient les estimations, et les méthodes utilisées pour y parvenir, l’impact sera réel. Si le texte permet à des nouveaux acteurs de venir au Luxembourg sans leur IT, dans le cadre du Brexit notamment, il n’empêchera pas des acteurs présents au Luxembourg de déplacer une partie de leurs opérations, dont l’IT pour profiter d’un environnement plus compétitif.

Comment se sont déroulées les discussions avec le ministère des Finances ?

JFT : Notre association a mené un important travail autour de ce texte en mettant en place un think tank, qui a rassemblé des acteurs chaque vendredi, pendant plusieurs mois. Il rassemblait, outre des PSF de support, des juristes et des représentants des Big 4. Nous avons également rencontré l’Administration et réalisé plusieurs notes, qui ont été envoyées au Premier ministre, Xavier Bettel, au ministre de l’Economie, Etienne Schneider, et au ministre des Finances, Pierre Gramegna.

DS : Notre rôle a été de relayer l’inquiétude de nos membres, mais aussi d’accompagner les évolutions liées à ce texte, les enjeux qui pouvaient en découler, en restant en ligne avec le fond.

Quels progrès ont été réalisés, depuis cette première mouture, et en attendant une version finale ?

JFT : Les discussions ont principalement porté sur des ambiguïtés relatives au consentement à obtenir pour permettre la sous-traitance des opérations liées aux données en dehors du contexte régulé. Il faut encore obtenir des éclaircissements sur la nature du client concerné, celui qui doit donner son consentement. S’agit-t-il du client final, ou du client institutionnel, organisme financier, qui sous-traite ses opérations ? Enfin, il faut pouvoir mieux définir la nature du consentement. Que nous souhaitons explicite et non-équivoque, en conformité avec la définition de la GDPR.

DS : Il y a aussi des questions relatives à la rétroactivité des nouvelles mesures. Il faut déterminer si elles pourront s’appliquer ou non à l’historique des données, autrement dit, si le secret professionnel pourra être levé sur les transactions passées. Et là, le consentement explicite du client prend encore plus d’importance. Enfin, il y a encore un débat autour de l’iniquité des mesures envisagées entre les acteurs de la finance et les PSF de support. Le projet de loi crée un déséquilibre compétitif : le secret professionnel serait levé pour les établissements financier qui externaliseraient à l’étranger alors que les PSF de support, comme les services internes des banques y resteraient soumis et sont ainsi désavantagés.

Dans la foulée, c’est la CSSF qui a publié sa circulaire cloud. Celle-ci, finalement, ne rend-elle pas plus accessoires les discussions autour de l’article 41 ?

DS : Pas du tout, c’est très complémentaire. La nouvelle circulaire de la CSSF définit clairement le cadre dans lequel un organisme régulé peut faire appel à un cloud dit public, et cela indépendamment de la sous-traitance des opérations telle que la révision de l’article 41 pourrait la redéfinir. Ce faisant, la CSSF se met au goût du jour et intègre la réalité du terrain. Ignorer Amazon ou Azure aujourd’hui, c’est risquer de se mettre hors-jeu. La circulaire, dans ce contexte, clarifie les responsabilités et la gouvernance dans le cadre du recours au cloud. Elle a le mérite de faire la distinction entre opérations et ressources informatiques ou infrastructures sur lesquelles elles sont réalisées.

Quelles nouvelles possibilités offre ce nouveau cadre ?

JFT : Il est clair que nous sommes à un tournant. Si le cadre qui prévalait jusque-là assurait un maintien des activités au Luxembourg, il nous enfermait aussi dans un certain périmètre. Il était notamment difficile, pour plusieurs de nos membres, de proposer au Luxembourg des solutions qui auraient permis à des acteurs de la finance d’évoluer. La circulaire de la CSSF, par rapport à cela, change les règles du jeu au moins autant que l’article 41.

DS : Par exemple, cette nouvelle donne réglementaire devrait ouvrir d’avantage l’accès au BPO, pour un certain nombre d’institutions. Il apparaît clairement que les PSF de support, dans ce contexte, doivent évoluer. Ils restent des acteurs de confiance, auprès desquels il sera plus « confortable » de sous-traiter des opérations. Mais chacun devra monter dans la chaîne de valeur.

Dans ce contexte, comment vos membres vont-ils devoir se repositionner ?

DS : L’avenir des prestataires IT au Luxembourg ne se trouve certainement plus dans l’Infrastructure as a Service, mais bien dans le Software as a Service. Nous devons générer de la valeur ajoutée à travers l’applicatif. Le software, en quelques années, a mangé le hardware. Et, demain, l’intelligence artificielle mangera le software. On assiste à une mutation importante. L’avenir des prestataires réside dans leur capacité à fournir des applications agiles qui intègreront l’intelligence artificielle et qui offrent des réponses aux problématiques de cyber-risque.

Quand on considère les acteurs en place aujourd’hui, il est urgent de changer de braquet…

JFT : Demain, très certainement, il faudra pouvoir fournir des applicatifs qui, en répondant aux acteurs de la finance au Luxembourg et ailleurs, seront secure by design, privacy by design. A ce niveau, on rejoint les enjeux qui se trouvent derrière la GDPR. La circulaire cloud, en outre, offre à nos clients l’opportunité de sortir du legacy, pour gagner en agilité et en élasticité dans un monde en évolution permanente. Luxembourg, dans ce contexte, dispose de bons fondements pour accompagner les institutions financières face à ces changements.

Donc, l’activité IT au Luxembourg au service de la finance, malgré des annonces inquiétantes il y a quelques mois, a encore un avenir…

JFT : Bien entendu. Mais les activités qui seront menées s’inscriront dans un tout autre contexte que celui que nous avons connu jusqu’alors. Les services IT, en outre, deviennent totalement borderless.

Le cadre actuel, selon vous, doit-il évoluer ?

JFT : Il faut parvenir à trouver un meilleur équilibre entre les coûts qu’entraine l’agrément PSF et le service que nous pouvons apporter. Nous sommes tous impactés par ces changements. La plupart parviendront à rebondir, à condition de rester compétitifs, en proposant les bonnes solutions. Il y a des opportunités à saisir. GDPR, par exemple, doit permettre à des prestataires IT de sortir de la sphère financière pour faire profiter à d’autres acteurs de son expertise acquise dans un environnement régulé. Nous avons des procédures, nous avons des compétences. Il faut les valoriser, aller voir au-delà du périmètre actuel. Aujourd’hui, les PSF de support évoluent dans un framework, dont on peut faire un vrai label de qualité.

DS : L’IT vit une révolution fondamentale, aussi importante que celle entrainée par l’apparition du web, et qui n’est pas liée à un changement réglementaire en particulier. Est-ce que l’IT tel qu’on l’a connu et pratiqué jusqu’alors a un avenir ? Certainement pas. Est-ce que les PSF de support auront toujours un rôle dans ce nouvel environnement ? Certainement, mais il faut repenser le modèle. Et c’est notre mission d’accompagner nos membres dans cette transition.

 

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