TRANSFORMATION & ORGANISATION

L’Estonie aura son « ambassade digitale » au Luxembourg

l’Estonie et le Luxembourg ont signé un accord pour la création de la première « ambassade digitale » de l’histoire.

June 21, 2017

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(de g. à dr.) Jüri Ratas, Premier ministre de la république d’Estonie; Xavier Bettel, Premier ministre, ministre d’État (source gouvernement.lu)

Ce mardi 20 juin, l’Estonie et le Luxembourg ont signé un accord pour la création de la première « ambassade digitale » de l’histoire. Un concept inédit qui vise à sauvegarder les données sensibles du pays balte au sein d’un data center luxembourgeois. – Par Jeanne Renauld

L’Estonie est l’un des pays européens les plus impliqués dans la transformation de sa société numérique. Soucieuse de protéger au mieux ses données et de se prémunir de toute cyber-attaque, Tallinn réfléchit depuis plusieurs années à installer une ambassade des données dans un autre pays du monde avec lequel elle est alliée. « La société digitale estonienne est déjà tellement sophistiquée qu’il n’est plus possible de revenir à l’ère du papier. Par conséquent, nous devons faire tout notre possible pour assurer la cyber-sécurité, en maintenant une continuité numérique des données et des services », explique Siim Sikkut, conseiller ICT du gouvernement estonien.

Dans un data center du CTIE

Après s’être entretenue avec plusieurs pays, l’Estonie a finalement choisi le Luxembourg comme hôte de sa nouvelle ambassade digitale. Xavier Bettel et son homologue Jüri Ratas ont signé ce 20 juin l’accord formalisant la mise en œuvre de la première ambassade mondiale de ce type.

L’objectif, à travers cette installation, consiste à disposer d’une sauvegarde des données les plus vulnérables de l’Estonie en dehors de ses frontières. C’est un data center opéré par le Centre des technologies de l’information de l’État luxembourgeois (CTIE), situé à Betzdorf, qui accueillera le cyber-espace estonien. « Le site de Luxembourg stockera les copies des données les plus critiques et les plus confidentielles », précise Siim Sikkut. Il devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année ou, au plus tard, début 2018.

Une même protection qu’une ambassade classique

En vertu de la Convention de Vienne, cette ambassade digitale profitera des mêmes privilèges de protection, d’immunité et d’inviolabilité que les ambassades traditionnelles. Il s’agit d’un territoire souverain. Les données sauvegardées à Betzdorf seront donc uniquement accessibles par le gouvernement estonien, depuis Tallinn.

Pour préserver ses données, l’Estonie avait d’abord testé, fin 2014, une solution de cloud computing avec Microsoft. « La technologie cloud offre une bonne opportunité, mais l’Etat souhaitait maintenir le contrôle total et la juridiction de ses données et systèmes, souligne Siim Sikkut. C’est pourquoi nous avons commencé à développer et à améliorer le concept d’ambassade des données ». « Nous créons un précédent en matière de droit et de pratique internationaux, une sorte d’innovation », ajoute encore le conseiller ICT du gouvernement estonien. Nul doute que ce projet pilote devrait donner des idées au reste du monde.

 

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Une « ambassade digitale » ! Le nom donné au projet qui lie depuis ce mardi l’Estonie et le Luxembourg révèle bien toute sa dimension géopolitique. En s’en tenant aux aspects techniques de l’accord, on aurait pu se contenter d’avancer le terme de « disaster recovery center » d’un Etat. Mais si ce projet est exceptionnel, c’est justement parce qu’il concerne l’ensemble des systèmes, applications et données digitales sensibles de tout un Etat européen. Cela implique des enjeux géopolitiques forts. Et, à ce titre, il est donc bien opportun de parler d’ambassade.

L’Estonie est l’un des pays les plus avancés de l’Union européenne en matière de transformation digitale de son administration. C’est sans doute, aujourd’hui, l’Etat qui s’appuie le moins sur le papier. A travers son exemple, on peut se rendre compte des opportunités liées au digital, mais aussi des nouveaux risques que comporte une telle digitalisation.

Dans une région du monde où la Russie tient encore fortement à son influence, mettant en jeu sa puissante force de frappe cyber, l’Estonie digitale doit mieux se protéger. Lors des récentes échéances électorales importantes pour la planète, les tentatives d’influence russes ont régulièrement été pointées du doigt. L’Estonie, plus directement, a aussi été victime de cyberattaques, parmi d’autres formes de menaces, orchestrées vraisemblablement par son imposant voisin.

L’accord passé ce mardi, négocié avec brio pour le Luxembourg par Gilles Feith, CIO du Gouvernement, vise à apporter de nouvelles garanties à l’Estonie face à la menace russe. L’Etat balte peut compter sur l’expérience du Luxembourg en matière de gestion de la donnée sensible, sur ses infrastructures ultra-sécurisées, sur sa connectivité exceptionnelle, pour sauvegarder ses données les plus sensibles. Car, ces nouveaux assets sont clairement devenus un enjeu géopolitique. De leur protection, dépendent désormais le bon fonctionnement d’un Etat et la protection de ses citoyens.

Luxembourg, en concluant cet accord inédit, se positionne comme un allié stratégique de l’Estonie et fait valoir, plus encore, sa position du hub européen de confiance pour la protection de la donnée en Europe. Sans oublier qu’une telle démarche, portée par l’un des pays fondateurs de l’Union européenne, est aussi de nature à renforcer les liens qui unissent ses différents Etats membres face à la menace venue de l’extérieur, quelle qu’en soit la forme.

Eric Busch, CEO – Makana & Directeur de la publication ITnation

 

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