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« Avec la blockchain du secteur public et Libra, on entre concrètement dans une nouvelle ère »

Fabrice Croiseaux, le CEO d’InTech et président du comité de direction d’Infrachain, se réjouit des derniers développements effectués autour de la technologie blockchain. Le projet du gouvernement d’adosser ses services publics à une blockchain ou encore la création de Libra mettent en lumière les nombreuses opportunités offertes par la technologie. Elle pourrait en effet changer pas mal de choses.

July 15, 2019

Fabrice Croiseaux, CEO – InTech

Fabrice Croiseaux, le gouvernement a récemment annoncé la création d’une blockchain pour le secteur public. Qu’est-ce que cette annonce représente à vos yeux ?

À ma connaissance, qu’un état s’engage dans une telle démarche, est une première mondiale. Avec ce projet, ou encore avec la création de la nouvelle monnaie Libra par Facebook et ses partenaires (même si les deux initiatives ne sont pas sur le même plan), on voit désormais concrètement comment la technologie blockchain ouvre de nouvelles perspectives. Après avoir parlé pendant de longs mois de la technologie et de son potentiel, souvent de manière très théorique, on entre dans une nouvelle phase de développement. Le projet de blockchain du secteur public devrait contribuer à améliorer les services de l’État, la coopération entre les administrations et le secteur privé, à lutter plus efficacement contre la fraude, le tout pour mieux servir l’ensemble des administrés luxembourgeois et simplifier la vie de chacun.

Comment, concrètement, cette blockchain peut-elle simplifier les démarches administratives ?

La technologie offre la possibilité aux différentes administrations de mieux partager l’information tout en assurant à chacune d’elles de garder son indépendance. Par exemple, elle doit permettre d’éviter à une administration de procéder à des vérifications déjà effectuées par d’autres. De la même manière, les administrés n’auraient plus à produire des preuves qui ont déjà été transmises auparavant. La blockchain, en tant que registre distribué, offre l’avantage de pouvoir préserver les preuves de manière sécurisée et facilite leur partage. Tous devraient donc bénéficier, à moyen terme, de réels gains d’efficacité dans le traitement des dossiers.

À quel rythme va se déployer cette blockchain dans le secteur public et quand verra-t-on apparaitre les premières solutions ?

Cela va probablement se faire progressivement. Tout ne se fera pas du jour au lendemain. Mais que le Luxembourg se positionne en pionnier, avec la volonté d’expérimenter des choses dans cette perspective, est une très bonne nouvelle. Désormais, avec cette blockchain permissionnée, qui s’appuie sur le protocole Proof of Authority d’Ethereum (ce qui n’implique pas d’obtenir de preuve de travail et évite des problématiques de consommation énergétique), il s’agira de trouver un maximum de cas d’usage concrets et de les mettre en œuvre. C’est Infrachain qui, actuellement, accompagne le gouvernement dans la mise en place de la gouvernance de cette blockchain. Les défis ne sont pas techniques. Ils résident davantage dans l’identification et la bonne mise en œuvre des cas d’usage. Le Sigi et le CTIE peuvent s’appuyer sur de nombreuses années d’expérience dans la digitalisation des services aux citoyens et je suis convaincu qu’ils sauront rapidement identifier les cas pertinents.

Peu après l’annonce du gouvernement, c’est Facebook et ses partenaires qui ont annoncé la création d’une nouvelle monnaie électronique. La révolution est-elle lancée ?

Avec ces deux annonces, on voit émerger de nouveaux usages de la blockchain à large échelle. Facebook, c’est près de deux milliards d’utilisateurs, qui vont pouvoir plus facilement échanger des actifs. La gouvernance mise en place par Facebook et ses partenaires, tout en visant à garantir la confiance des utilisateurs, va permettre le développement de nouveaux services. Les principales cibles de Libra sont d’abord les personnes qui n’ont pas accès à des services financiers, très nombreux dans les pays émergents, mais aussi les jeunes qui ne sont pas encore bancarisés. Demain, simplement en accédant à Libra via Facebook, Instagram, Whatsapp ou Paypal, ces derniers pourront facilement payer leur café, leur soda ou leur restaurant avec des Libras. La création de cette nouvelle monnaie constitue une étape majeure dans le développement des blockchains et va drastiquement transformer les modèles établis au cœur du secteur financier.

Certains s’inquiètent de voir ces nouveaux acteurs créer une monnaie à large échelle et potentiellement acquérir la capacité d’émettre de la monnaie, au même titre qu’une banque centrale…

La gouvernance établie autour de Libra, portée par plusieurs partenaires, apporte certaines garanties vis-à-vis de ces inquiétudes. Plus particulièrement, il est prévu que le cours de cette monnaie soit adossé à celui d’un panier de devises nationales. L’évolution de la valeur de la monnaie, à ce titre, devrait rester relativement stable.

Comment expliquer la multiplication soudaine des annonces majeures autour de la blockchain ?

La maturité technologique est désormais là. Les organisations aussi sont mieux averties, ce qui permet le lancement de services B2C s’appuyant sur la blockchain, destinés à plusieurs milliers et même des centaines de millions d’utilisateurs. Le recours au Smart Contract, dans ce contexte, doit permettre d’importants gains d’efficacité, une simplification accrue de nombreuses démarches. Les opportunités sont énormes.

Dans quelle mesure la blockchain peut-elle changer notre quotidien ?

Si l’on s’essaie à un peu de prospective et si Libra se déploie comme prévu dans un an, on peut imaginer que certains acteurs vont proposer des services financiers sur cette blockchain : prêts, comptes rémunérés, assurances, investissements, … Il ne sera alors plus nécessaire d’ouvrir un compte dans chaque établissement avec qui nous voudrons travailler, mais nous pourrons donner accès à nos comptes Libra à des prestataires de services financiers qui vont y déposer ou retirer des Libras en fonction des services prestés. Il sera alors beaucoup plus facile d’avoir une vue globale de ses avoirs et de nouveaux services pourront être créés. Ce sont des possibilités. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve.

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