TRANSFORMATION & ORGANISATION

« Dans la banque, tout n’a pas vocation à être numérisé »

Le groupe bancaire belgo-luxembourgeois, Degroof Petercam s’est engagé dans un important chantier de transformation de son environnement numérique. Adoption du cloud, évolution du parc applicatif, exploitation de la donnée et sécurité… : le programme est ambitieux et chargé. En s’appuyant sur le numérique, comme nous l’explique Yvan Pirenne, CIO Group, Degroof Petercam entend mieux appréhender les changements à venir.

October 2, 2020

Fin d’année dernière, votre banque évoquait, dans un communiqué commun avec Telindus (Proximus Luxembourg), un important programme de transformation numérique du groupe. Pouvez-vous nous en définir les grandes lignes ? 

Notre banque, dont l’activité s’articule autour de quatre grands métiers – la banque privée, l’asset servicing, l’asset management et l’investment banking – a connu d’importantes évolutions ces dernières années. La plus importante, certainement, a résidé dans la fusion entre Degroof et Petercam, en 2015. Au niveau de l’informatique, il faut d’abord noter que cette fusion s’est très bien déroulée, et ce malgré l’importance du défi. Le projet a répondu à l’ensemble des objectifs poursuivis, en termes de délais, de budgets et de périmètre de l’intégration. Aujourd’hui, il y a lieu d’aller de l’avant, de moderniser nos systèmes. La volonté est de transformer notre IT pour assurer un meilleur support à la stratégie business post-intégration. 

À quels objectifs stratégiques business vient répondre cette transformation numérique ?

Comme je le disais, l’enjeu est de placer les ressources informatiques disponibles au service des enjeux que rencontre la banque. Cela implique une transformation profonde de nos systèmes, en commençant par les fondations, avec une modernisation de l’infrastructure. C’est le projet mené avec notre partenaire Proximus Luxembourg. Un des autres grands chantiers aura trait à l’évolution du parc applicatif, avec une modernisation de nos canaux de communication envers la clientèle mais aussi la nécessaire évolution de notre système bancaire core. Nous avons aussi la volonté de nous attaquer au volet data, nous permettant de mieux exploiter les données dont nous disposons au départ d’une nouvelle gouvernance de l’information. Enfin, le quatrième chantier est celui, indispensable aujourd’hui, du renforcement continu de la sécurité informatique. 

Comment le numérique doit-il faciliter la transformation des métiers de la banque ? 

Ce qui guide cette transformation, c’est avant tout la croissance de l’activité, qui s’appuiera sur le développement de nouveaux services et de nouveaux produits. Nous devons aussi explorer de nouveaux moyens d’interagir avec nos clients. Enfin, le volet réglementaire est aussi un enjeu clé. Nous assurons notre conformité réglementaire, en améliorant en permanence notre manière de collecter, de générer des rapports et d’archiver l’information. Cela implique une révision importante des processus en tenant compte à la fois des exigences du régulateur et des clients ainsi que de l’évolution des habitudes de ces derniers. 

Qu’entendez-vous par l’exigence de repenser l’interaction avec le client ?

Aujourd’hui, au cœur de la relation client, tous les aspects formels s’appuient encore fortement sur le papier. La gestion d’un dossier peut impliquer une quantité importante d’échanges, le plus souvent par e-mail, et la finalisation implique encore souvent une signature sur un document physique. La volonté est de mettre en place des outils qui permettront des échanges plus fluides tout en facilitant le travail de contrôle et le respect de la conformité réglementaire. En outre, la qualité de la relation et l’accessibilité à son conseiller sont des éléments essentiels pour le métier de la banque privée. 

Comment le numérique permet-il à un acteur comme Degroof Petercam de faire face à la déferlante réglementaire qui s’abat sur le secteur financier ? Et comment, malgré une augmentation du “cost to serve”, parvient-on à se transformer et à générer de la valeur ? 

L’enjeu est de transformer la contrainte en opportunité. Le défi de la maîtrise des coûts et de l’optimisation des processus, grâce notamment à l’automatisation, est transversal à l’ensemble de nos projets. Au niveau des processus, beaucoup peuvent être automatisés afin de nous permettre de nous adapter plus facilement aux nouveaux enjeux. Mais nous sommes d’avis que tout n’a pas vocation à être numérisé. C’est là qu’est tout le dilemme : il faut opter pour les solutions les plus adaptées en fonction de la segmentation de la clientèle. 

Dans beaucoup de cas, nous allons privilégier une approche « phygitale ». Pour certains services, les outils numériques vont venir soutenir une interaction physique, en permettant de délivrer la bonne information au bon moment, de faciliter le traitement des demandes. Il est cependant essentiel de préserver et d’enrichir la relation de confiance, au cœur du métier de la banque privée, et qui passe par un échange de personne à personne et une réelle proximité entre le client et son conseiller. Le numérique permet toutefois d’enrichir ces interactions, de les faciliter ou de les fluidifier. Il permet aussi au conseiller bancaire d’accéder à une meilleure compréhension de la situation du client. 

Quelles seront les clés de la réussite de cette transformation ?

Chez nous, le digital ne constitue pas l’alpha et l’oméga de la transformation de l’activité. Le numérique est considéré comme un moyen, un support au développement du métier. La transformation se conçoit et s’organise au départ des compétences fortes présentes et actives au niveau de nos lignes de métiers. L’IT doit travailler en étant proche des acteurs du terrain, pour bien comprendre leurs besoins, faire les bons choix, fixer de nouveaux objectifs de performance. Les outils à notre disposition sont aujourd’hui nombreux pour accompagner ces compétences et nous engager dans une démarche d’excellence opérationnelle. Nous analysons les possibilités offertes par l’intelligence artificielle, l’automatisation des processus ou la data analytics. Le numérique doit permettre à nos conseillers de gagner du temps, en réduisant la charge administrative, pour mieux envisager de nouveaux leviers de création de valeur.   

Pourquoi avoir choisi d’externaliser la gestion de l’infrastructure de la banque au Luxembourg ? En quoi la proposition de Proximus Luxembourg répondait-elle à vos attentes ? 

Pour relever ces défis, il nous faut avant tout un environnement IT stable et fiable, qui tourne en 24/7. Jusqu’à présent, l’IT était géré en interne. Aujourd’hui, l’externalisation nous est apparue comme une évidence. Avec Proximus Luxembourg, nous accédons à une infrastructure professionnelle et profitons d’économies d’échelle liées aux possibilités de mutualisation. Notre partenaire, de plus, partage avec nous sa capacité d’innovation. La plateforme sur laquelle vont s’appuyer nos systèmes permet notamment des ouvertures maîtrisées vers des solutions nouvelles et accessibles en mode Software as a Service. On peut envisager l’avenir à travers la construction d’un écosystème de solutions ad hoc, pour mieux servir nos utilisateurs et nos clients. On peut plus facilement aller chercher des modules proposés par des acteurs de la fintech pour compléter notre offre de solutions. 

Qu’est-ce qui a convaincu Degroof Petercam de migrer vers le cloud ? 

C’est avant tout une migration vers un cloud privé, localisé au Luxembourg, opéré par Proximus Luxembourg, et répondant aux normes de sécurité et de confidentialité les plus strictes. Le cloud, tel que nous le propose Proximus, nous offre en outre plus de robustesse et permet d’améliorer notre résilience tout en offrant des possibilités d’ouverture et d’évolution maitrisées. La plateforme offre des combinaisons flexibles de solutions d’hébergement, d’infrastructures dédiées et mutualisées ainsi que de nombreux services opérés et supervisés 24h/24 et 7j/7, tels que les services managés de sécurité mais aussi des solutions traditionnelles d’entreprise comme les services de messagerie, de collaboration ou de téléphonie. Les datacentres de Degroof Petercam seront centralisés au Luxembourg, pour les entités de Belgique et de Luxembourg dans un premier temps. Proximus Luxembourg exploitera l’infrastructure cible, tout en y déployant des technologies de pointe éprouvées. A partir de cet environnement plus flexible, nous pouvons mieux envisager l’avenir et notamment le chantier suivant, qui a trait à la transformation de notre parc applicatif. 

Comment va s’organiser la transformation numérique dans les mois à venir ? Quelles en seront les grandes étapes ?

Il est important que nos systèmes puissent nous aider à absorber plus facilement les évolutions réglementaires et les futures intégrations. Nous devons parvenir à disposer d’une plus grande liberté de mouvement, afin de réduire les risques opérationnels et permettre la croissance de notre activité,. L’architecture, dans son ensemble, va devoir évoluer, notamment en intégrant des logiques d’API management, nous permettant de nous ouvrir plus aisément vers l’extérieur tout en gardant la maîtrise sur l’ensemble de notre environnement. 

Comment voyez-vous la banque évoluer sur le long terme ? 

Notre vision de l’évolution de la banque s’exprime à travers tout ce que l’on a dit précédemment. Tout bouge rapidement. L’enjeu, c’est d’être à la fois suffisamment souple tout en restant consistant et cohérent sur la distance, pour pouvoir nous adapter et atteindre nos objectifs. Dans cet environnement incertain, il faut rester humble. Au-delà de l’évolution des systèmes d’information, il faut pouvoir aussi accompagner le changement auprès des équipes. Le numérique transforme notre manière de travailler et l’on peut faire beaucoup si l’on s’engage, chacun à son niveau, dans la transformation du métier pour générer davantage de valeur. C’est avec les équipes que l’on pourra faire évoluer les processus, améliorer nos analyses, comprendre la donnée. Des fonctions vont disparaître, d’autres vont se créer. Il faut pouvoir appréhender cela en s’appuyant sur les équipes, en identifiant les besoins de demain pour mieux faire évoluer les compétences.  

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