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Développer des écosystèmes performants pour attirer de nouveaux acteurs

"Le Luxembourg accueille la première digital embassy européenne, offrant à l’Estonie une sécurisation accrue de ses données publiques."

December 8, 2017

David Foy Head of Sector Development/Digital Economy-Luxinnovation

Depuis juillet dernier, David Foy occupe la fonction de Head of Sector Development – Digital Economy au sein de Luxinnovation. En développant de nouveaux écosystèmes digitaux, par secteur d’activité, le Luxembourg développe son attractivité. –Article paru dans l’ITnation Mag Hiver 2017 

Pouvez-vous nous détailler les contours de votre mission ?

Je suis en charge de la promotion du Luxembourg à l’international, dans la perspective précise
de compléter et de développer l’écosystème digital du pays. Le champ de prospection est particulièrement large, dans la mesure où il intègre toute possibilité de création de valeur au départ de la technologie et de la donnée. Nous évoluons au cœur d’une data driven economy. Le Luxembourg doit pouvoir gagner en compétitivité dans ce domaine. A nous de rendre le territoire attractif pour tout investisseur étranger qui souhaite développer des activités dans le domaine du numérique.

La LHoFT mène des activités similaires autour des enjeux de digitalisation du secteur financier. Comment ce travail de promotion, entre les différents acteurs, s’articule-t-il ?

Oui, le monde financier est bien engagé dans sa transformation digitale, avec une bonne compréhension des enjeux. Avec le soutien énorme de la LHoFT, les acteurs de la finance appréhendent mieux ce changement. L’écosystème se met en place, animé par une volonté d’aller de l’avant. Mon rôle est de faire profiter d’autres secteurs de cette émulation, tout en valorisant à l’égard des personnes à l’étranger tous les atouts digitaux du Luxembourg. Dans ce contexte, si je peux apporter mon soutien aux différentes organisations, c’est avec plaisir. Nous travaillons de manière coordonnée avec le ministère et l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse de la LHoFT, de la FEDIL et de bien d’autres.

Comment, justement, est perçu le Luxembourg en tant que smart nation depuis l’étranger ?

La perception des acteurs étrangers à l’égard du Luxembourg digital a fortement évolué en quelques années. Le pays s’est d’abord doté d’infrastructures de pointe, avec plusieurs data centers et une connectivité parmi les meilleures de l’Union européenne. Le prix de l’électricité, relativement accessible, a également permis d’attirer des acteurs de l’économie numérique. L’écosystème doit désormais encore évoluer. Le data center, à la base de la chaîne de valeur, est aujourd’hui considéré comme une commodité.
Ce n’est plus au départ de l’infrastructure, aussi importante soit-elle, que nous parviendrons à attirer des acteurs. L’offre digitale luxembourgeoise doit se situer plus haut dans la chaîne de valeur.

Comment le Luxembourg digital peut-il se renforcer ?

En étant centré sur la donnée. Le Luxembourg se positionne en data nation en développant d’importantes capacités de collecte, de traitement et de valorisation de la donnée. Dans la finance, l’enjeu est très clair. Mais on peut aussi évoquer les possibilités de créer de la valeur dans le domaine spatial, à travers le traitement des quantités astronomiques de données transmises par les satellites, ou encore dans le secteur de la santé. L’initiative High Performance Computing, par ailleurs, va considérablement renforcer les capacités du Luxembourg par rapport au traitement des données au service de la recherche et de l’innovation. Le Luxembourg complète son écosystème de qualité, gagnant en crédibilité en la matière.

Concrètement, comment cela se traduit-il aujourd’hui ?

Le Luxembourg accueille la première digital embassy européenne, offrant à l’Estonie une sécurisation accrue de ses données publiques.
La volonté de développer une industrie 3.0 profitant de l’écosystème luxembourgeois, permet à des projets d’émerger, comme le nouveau site de Goodyear par exemple. Le digital touche à
tout. Dans le spectre de développement qui me concerne, l’enjeu est de compléter l’écosystème dans le domaine de la gouvernance, de la protection et de la sécurisation de la donnée,
son transport, sa valorisation ou encore sa monétisation. Petit à petit, considérant les
besoins de chaque pan de l’économie, nous tentons d’attirer des acteurs, pour créer des centres de compétences uniques au service d’une compétitivité accrue. Cela a encore été récemment illustré avec la présentation du centre de compétences en cybersécurité, en réponse à des problématiques majeures au cœur de l’économie de la donnée.

Face à un si vaste chantier, comment organisez- vous votre mission ?

Avec méthode. Pour chaque pan de l’économie – espace, industrie automobile, fintech, media, santé, éco-innovation –, il faut identifier les manques au cœur de la chaîne de valeur, qui s’étend de la gouvernance de la donnée à sa monétisation en passant par les besoins en infrastructure, en connectivité ou encore en sécurisation. Après, on peut fixer les priorités pour renforcer l’attractivité du Luxembourg. Les réponses à apporter peuvent être variées. On peut renforcer le cadre réglementaire, le Luxembourg faisant preuve d’une réelle agilité en la matière, ou encore attirer des acteurs qui manquent dans l’écosystème.

L’économie digitale semble se jouer des frontières. Est-il forcément nécessaire de vouloir à tout prix des acteurs digitaux sur place ?

Non, pas forcément. Et nous n’avons rien ici que les autres n’ont pas. Par contre, c’est dans notre capacité à rassembler les éléments pour créer un écosystème attractif pour les acteurs d’un même secteur que nous pouvons nous distinguer. Dans les réponses à développer, les actions à mettre en œuvre, il faut voir ce dont on a réellement besoin pour renforcer notre attractivité, créer de la valeur tout au long de la chaîne. Il faut agir de manière cohérente et consistante dans le temps.

Si vous deviez détailler ce qui manque le plus aujourd’hui au Luxembourg, par quoi commenceriez-vous ?

Cela dépend du secteur que l’on considère. De manière générale, il nous manque des profils capables de traiter la donnée. Un projet comme HPC doit permettre d’attirer de nouveaux talents désireux de contribuer à des projets de recherche et de développement avancés au départ de cet outil. Nous disposons de la capacité de collecter des quantités massives de données. Il faut pouvoir les traiter. Le Luxembourg, par sa configuration, peut servir de réel laboratoire dans beaucoup de domaines.

Concrètement, comment le Luxembourg peut-il devenir ce laboratoire?

Prenons la voiture autonome par exemple. Nous sommes en train de développer un circuit de test entre le Luxembourg, le France et l’Allemagne. De telles infrastructures doivent permettent d’attirer des acteurs, désireux de mener des expériences. Je ne parle pas forcément des constructeurs, qui disposent d’outils propres, mais d’une multitude d’autres entreprises. On peut citer les fabricants de capteurs qui devront être placés en bordure des routes, des professionnels de la réseautique, mais aussi des sociétés capables de traiter la donnée. L’enjeu, pour permettre de faire émerger cette technologie, réside dans la capacité à croiser des données provenant de multiples sources, pour permettre à la voiture de prendre les bonnes décisions. Autour d’un
tel circuit, les acteurs vont pouvoir se retrouver, tester les éléments ensemble, établir des proof of concept. La mise en œuvre de tels environnements doit nous permettre de renforcer la diversification de notre économie au départ des possibilités offertes par le digital. Autre exemple, des sociétés actives dans le domaine de la smart city ont choisi d’utiliser Belval comme laboratoire pour tester des services. De nouveaux développements seront tout prochainement visibles.

Quels sont aujourd’hui les principaux freins au développement de tels écosystèmes ?

Luxembourg n’est pas encore suffisamment connu pour toutes ses activités à l’étranger. Cela change petit à petit. Quand on explique, secteur par secteur, ce qui se fait ici, les gens sont bluffés. Ils connaissent le plus souvent la place financière, mais n’imaginent pas tout ce qui se met en place dans d’autres secteurs au Luxembourg. Il nous faut mieux communiquer, de manière coordonnée, avec des messages cohérents, pour faire valoir les atouts du Luxembourg. D’autre part, nous travaillons à faciliter l’accueil des acteurs qui envisagent de s’installer au Luxembourg. En deux jours de visite, à travers un programme de soft landing, nous nous organisons pour les faire rencontrer tous les acteurs importants, pour nouer des liens, faciliter leur installation. Cette capacité d’accueil et d’accompagnement suffit souvent à convaincre que le Luxembourg est l’endroit idéal pour créer de la valeur.

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