Le livre numérique : à la recherche de son modèle économique

Véritable révolution dans le monde culturel, le livre numérique soulève […]

December 5, 2011

Guy Henriet, NumenVéritable révolution dans le monde culturel, le livre numérique soulève la question de l’évolution des modes de consommation et, de fait, celle de la naissance de modèles économiques appropriés à ce phénomène.
Guy Henriet, Directeur Administratif Numen Benelux, fait le point sur les enjeux et perspectives de ce secteur en pleine mouvance.

Une révolution dans le monde du livre :

Se vendra-t-il plus de livres numériques ou de livres papier pour cette fin d’année ? Cette question est tout d’abord liée aux nouveaux modes de consommation. En effet, depuis que le contenu s’est affranchi du contenant, autrement dit depuis que l’écrit s’est libéré du support papier, nous pouvons imaginer de nouvelles formes de consommation. Ainsi, dans l’univers des œuvres culturelles, une révolution, comparable à celle du disque ou du DVD, se produit dans le monde du livre.

Nous voyons ainsi naître de nouvelles pratiques, telles que :
• Découvrir chapitre après chapitre, l’intrigue d’un roman policier, au fur et à mesure de leur mise en ligne par l’auteur ;
• Recevoir chaque soir un conte interactif avec la personnalisation des héros, la gestion de conclusions multiples ;
• Gérer dynamiquement des recettes de cuisine en fonction de la saison, des ingrédients disponibles ou des dernières recettes réussies ;
• Utiliser une encyclopédie numérique pour aider son enfant à faire son devoir de géographie ;
• Annoter un ouvrage technique sans raturer un livre ancien de valeur ;
• Comparer des traductions de textes et jongler avec les langues anciennes ou étrangères.

Autant d’illustrations qui montrent que le livre numérique, les nouveaux terminaux et internet permettent de « repenser » les usages du livre.

Vers la bibliothèque du futur

De nouveaux modèles économiques vont naître de ces nouveaux modes de consommation où la valeur d’usage prime. Ainsi, peut-être verrons-nous apparaître des modèles où une citation sera vendue 1€ comme un extrait de musique est vendu 1€ pour être utilisé comme sonnerie de téléphone ?
Dans tous les cas, nous constatons que le livre numérique possède d’ores et déjà ses supports (Kindle, iPad et autres tablettes), ses formats de référence (ePub), et ses chaînes de production industrielle, mais semble encore chercher ses modèles économiques.

Hormi les bibliophiles, amateurs de belles reliures de papier filigrané, d’odeur d’encre et de cire, c’est « l’objet livre », lui-même, qui est repensé.

Au format numérique, de nouveaux modèles se dessinent, que ce soit pour financer la création du livre, sa diffusion ou sa conservation :
• Gratuité ou financement par un tiers (publicité, mécénat, financement public pour alimenter Gallica, crowdsourcing pour alimenter Gutenberg online ou Wikipedia…)
• Abonnement ou forfait aux collections d’un éditeur, voire d’une société de gestion de droits qui se chargerait de redistribuer les fonds aux ayants-droits
• « Pay per read » ou paiement à l’unité : à l’instar de ce qui se passe dans le secteur de la musique ou de la filmographie
• Freemium : l’accès gratuit limité à quelques pages, ou pour un usage restreint, et payant ensuite.

De nouveaux éléments émergent avec la gestion des droits (DRM), la place des constructeurs de liseuses ou smartphone, le statut des auteurs eux-mêmes qui peuvent s’adresser directement au marché, sans être attachés aux éditeurs ou aux libraires…

Face à ces interrogations, des éditeurs font déjà le pas et investissent dans la création de fonds numériques correspondant à des valeurs d’usage originales.

Prenons un exemple concret : pour les universités les plus prestigieuses, disposer d’une grande collection d’ouvrages uniques est un bon moyen d’attirer les meilleurs chercheurs. Certains universitaires américains passent plusieurs semaines en Europe pour étudier quelques incunables, conservés précieusement dans les réserves de la British Library, de la BnF ou de la Koninklijke Bibliotheek. Le public est restreint, mais la valeur d’usage est primordiale : pour le chercheur, éviter un déplacement en avion, des nuits d’hôtels, des heures de recherche. Pour la bibliothèque prêteuse : atténuer le risque de voir, au fil du temps, son ouvrage se dégrader. Pour l’université d’origine : acquérir de telles pièces uniques est impossible ou extrêmement coûteux.

Depuis 2010, un éditeur américain – Proquest – a fait le pari de commencer à numériser et mettre en ligne l’ensemble des « Early European Books », ouvrages imprimés avant 1700, conservés aujourd’hui dans les réserves des grandes bibliothèques du continent.

D’un côté, la bibliothèque voit son fonds numérisé à très haute résolution, dans ses locaux, par une équipe de spécialistes. D’un autre côté, le monde académique pourra, à terme, avoir accès à une bibliothèque dont aurait rêvé Borgès : les bibles de Gutenberg et les éditions personnelles annotées par Galilée, Kepler ou Tycho Brahe sont à un clic de souris des premières pages imprimées des œuvres d’Erasme, Pétrarque, Luther ou Dante.

Une façon de construire la bibliothèque numérique de l’honnête homme du XXI siècle.

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