DIGITAL BUSINESS

Les CIOs aussi doivent contribuer à la transformation et à l’innovation digitale

Jean Diederich, partner chez Kurt Salmon et président de l’Apsi, était cette semaine l’invité de la rédaction d’ITnation.

February 26, 2015

Jean Diederich, partner chez Kurt Salmon et président de l’Apsi, était l’invité de la rédaction d’ITnation.

Par Sébastien Lambotte.

L’innovation au niveau du secteur financier par un meilleur usage des technologies est au coeur de l’actualité ICT. Comment, selon vous, la technologie peut-elle soutenir la finance luxembourgeoise ?

On parle beaucoup de la FinTech, en effet. Mais je pense que l’on oublie trop souvent, au cœur de ces discussions, le rôle essentiel que devront jouer les CIOs pour que la technologie puisse jouer un rôle de levier de performance au sein du secteur financier et permettre l’intégration de start-ups innovantes voir la mentalité de start-ups. Il est essentiel que les Chief Information Officers que l’on connaît aujourd’hui deviennent des Chief Innovation Officers. Pour que la FinTech contribue au maintien et au développement du secteur financier à Luxembourg, il faut que les CIOs sortent de leur fonction encore trop classique, liée essentiellement à la gestion des systèmes et des ressources. Ils doivent faire évoluer leur positionnement, afin de devenir des vecteurs d’innovation au cœur du métier et du business.

Qu’est-ce qui freine les CIOs à assumer ce rôle ?

Dans de trop nombreuses institutions financières au Luxembourg, le CIO ou assimilé ne fait que trop rarement partie du haut de la pyramide. Dans leur fonction, il se limite aux opérations existantes, il reste dans une position de fournisseur de services et… de centre de coûts. Souvent, il a du mal à démontrer comment l’ICT peut être source d’opportunités et de bénéfices pour le business. Dans un même ordre d’idées, le business ignore les opportunités du digital et ne pense pas FinTech. La conséquence est que la transformation ne se met pas en place. C’est à ce niveau de collaboration, avant tout, que doit s’opérer la révolution.

L’autre difficulté pour le Luxembourg réside dans le fait que les centres de décision des institutions financières ne se trouvent pas forcément ici. La liberté d’innovation, dans ce contexte, n’est pas évidente à obtenir. Le souhait, derrière le travail mené au sein du groupe FinTech, dans le cadre de la stratégie Digital Lëtzebuerg, est de trouver des nouveaux leviers de création de valeur pour la Place financière. Or, les acteurs de la finance au Luxembourg sont trop souvent cantonnés à des fonctions purement opérationnelles ou de back-office. Et l’innovation poursuivie devrait être liée aux clients, aux produits et aux services avant tout. Pour parvenir à un résultat, les branches luxembourgeoises d’acteurs internationaux doivent elles aussi se repositionner au sein de leur groupe comme des vecteurs d’innovation, en spécialisant sur des niches et en développant des compétences uniques.

Dis comme cela, la tâche paraît moins évidente. Selon vous, quelle FinTech pourra-t-on développer au Grand-Duché de Luxembourg ?

Il y a plusieurs approches lorsque l’on considère l’innovation digitale. Il y a une approche anglo-saxonne, très disruptive. Je pense cependant que nous pourrons difficilement la mettre en œuvre tel quel au Grand-Duché à court terme. Par contre à moyen et long terme c’est possible si on développe les bonnes actions. Nous devons d’abord nous concentrer sur l’autre approche, sur une utilisation de la technologie pour nous permettre d’améliorer les processus liés aux métiers que l’on développe et pour lesquels nous disposons d’un réel know-how. Il s’agit notamment de pouvoir automatiser les processus qu’il est possible d’automatiser dans nos centres opérationnels. Certes, ce n’est pas l’idée la plus sexy que l’on se fait de la FinTech. Il est toutefois critique et urgent pour le secteur financier et les acteurs ICT de la Place de s’inscrire dans une telle démarche. Si l’on ne parvient pas, à travers une amélioration de nos processus, à redonner des marges aux métiers de la finance, les acteurs internationaux seront tentés d’externaliser ailleurs. On pourrait tout perdre. Dans les fonctions à automatiser, en outre, je pense que nous devons concentrer nos efforts sur le risk management, la compliance et le reporting. Une partie des processus liés à ces fonctions peut-être plus automatisée.

C’est le rôle des CIOs que d’amener plus d’automatisation sur les métiers traditionnels, de voir comment intégrer le digital au mieux vis-à-vis de ces fonctions, en considérant la possibilité de réaliser cela en interne, de recourir à des shared services center ou d’outsourcer. Le risque lié à une externalisation est bien réel pour la place de Luxembourg. Des banques présentes au Luxembourg ont déjà recours, actuellement, à des solutions BPO proposées en Suisse ou ailleurs. Le digital, aujourd’hui, doit d’abord nous permettre de maintenir l’activité, au juste prix, avec des services innovants, s’appuyant sur un réel know-hown déjà en place.

Derrière, il faudra veiller au développement d’un bon écosystème digital, fonctionnel et capable d’attirer rapidement des acteurs porteurs de technologies disruptives.

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