TRANSFORMATION & ORGANISATION

Les jetons numériques simplifient l’investissement dans les actifs illiquides

La tokenisation d’actifs illiquides ouvre à leurs propriétaires initiaux, aux nouveaux investisseurs, aux banques et aux gestionnaires de fortune un large éventail de possibilités.

December 4, 2020

Philippe MEYER, Head of Blockchain Solutions – Avaloq

En effet, une grande partie de l’ensemble des valeurs patrimoniales dans le monde – 40% selon les estimations – figure parmi les actifs non bancables ou illiquides. Ceux-ci comprennent la plupart des biens immobiliers, de même que les œuvres d’art, les collections de voitures anciennes ou les bijoux. Au travers de la blockchain ou de la technologie Distributed Ledger (DLT ou technologie des registres distribués), cette catégorie des actifs non bancables retient actuellement l’attention des investisseurs, des banques et des gestionnaires de fortune. En effet, les placements numériques ne se limitent plus uniquement aux cryptomonnaies hautement volatiles telles que le Bitcoin, mais s’étendent également aux actifs tokenisés.

Les nouveaux titres numériques augmentent non seulement l’efficacité du négoce, mais permettent l’émission de coupures assez petites pour qu’une base de clientèle beaucoup plus large puisse accéder à ces produits. En d’autres termes, la tokenisation d’actifs favorise la démocratisation de la gestion de fortune.

Les actifs non bancables tokenisés offrent aux investisseurs des opportunités de rendement intéressantes, tout en diminuant les risques au sein des portefeuilles de placements à haut risque dans des économies fortement corrélées. 

La rareté des échanges d’actifs non bancables exige une expertise pertinente en vue de déterminer le prix et d’évaluer le risque de cours, qu’il s’agisse d’un jeton numérique sur lequel sont inscrits des droits liés à une certaine toile de Picasso ou à une villa de luxe à Saint Tropez.

Cela étant, la numérisation et l’intelligence artificielle peuvent être appelées à la rescousse pour l’évaluation: certes, les algorithmes du machine learning et les capacités d’auto-apprentissage des réseaux neuronaux ne sauraient se substituer intégralement aux connaissances d’un expert spécialisé, mais ils peuvent conférer aux investisseurs et aux gestionnaires de fortune un peu plus d’indépendance par rapport aux spécialistes dans l’évaluation des risques, des prix actuels et des perspectives de prix.

L’art en tant qu’actif non bancable

Le marché de l’art est un bon point de départ pour explorer les questions d’investissement et de négoce d’actifs non bancables. Les collections d’art sont notoirement illiquides, et si un objet d’art est vendu sur le marché actuel, il l’est généralement en totalité. Seul le fait de relier une œuvre d’art avec des jetons numériques permet de réduire à volonté le montant de l’investissement, par exemple par l’émission de jetons de propriété, ou security tokens, représentant chacun 0,01% de la valeur globale. C’est une condition indispensable à la création d’un marché liquide pour les collectionneurs et les investisseurs; un marché qui n’exige pas la vente de la totalité de l’œuvre. Il existe plusieurs façons de permettre aux acteurs du marché de partager la propriété d’une même œuvre d’art.

On peut envisager un modèle calqué sur un fonds fermé. Si l’œuvre d’art est vendue à un moment donné, les propriétaires des jetons numériques seront indemnisés proportionnellement aux parts qu’ils détiennent. Il est également envisageable que les jetons soient librement négociés sur un marché. Quiconque posséderait 51% des jetons pourrait demander aux autres propriétaires de vendre les leurs, moyennant le versement d’une prime de contrôle prédéterminée, outre la valeur de marché des jetons.

Pendant toute la période où l’œuvre d’art est détenue en copropriété par l’intermédiaire de jetons de propriété, sa conservation et son exposition dans un musée ou une collection privée pourraient se poursuivre. En effet, les jetons créés par smart contracts permettent de séparer la propriété du bien patrimonial des droits et devoirs liés à sa conservation et à son utilisation. Les droits de propriété, représentés par un tel « experience token », ne règlementent que l’utilisation et la monétisation d’une œuvre d’art; ils sont différents des droits de propriété collectifs. Par conséquent, la valeur de ces deux droits distincts se négocierait aussi séparément. On peut également imaginer plusieurs modèles à cet égard.

  • Les recettes provenant de la billetterie de l’exposition ou du musée peuvent, par exemple, être combinées par l’intermédiaire de smart contracts avec des jetons de propriété, afin de dégager des liquidités.
  • Si un musée souhaite retirer de la circulation des jetons d’utilisation ou ne les considère pas comme faisant partie de sa collection permanente, il pourrait les monétiser en partie ou en totalité.
  • Un musée pourrait également employer ces smart tokens pour accorder à d’autres exposants un accès temporellement limité aux œuvres de sa collection permanente, tout en conservant la majorité des droits de propriété.

Le même concept de séparation des jetons de propriété et d’utilisation peut être transposé à d’autres actifs non bancables tels que des biens immobiliers, des voitures de luxe ou des yachts. Une propriété de luxe pourrait de cette manière être détenue par des centaines de personnes. Les jetons numériques serviraient ensuite, par exemple, à la répartition des revenus locatifs entre les propriétaires ou des quotas de temps pour un usage personnel.

Conclusion

La tokenisation d’actifs non bancables ouvre à leurs propriétaires initiaux, aux nouveaux investisseurs, aux banques et aux gestionnaires de fortune des perspectives totalement nouvelles. S’agissant des actifs auparavant illiquides, la numérisation permet en effet à la gestion de fortune d’accéder à un nouveau territoire immense.

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