TRANSFORMATION & ORGANISATION

« Pour une digitalisation mieux coordonnée et plus globale »

Jean Diederich, président de l’APSI, membre de DIGITALEUROPE pour le Luxembourg, associé chez Wavestone, revient sur la mise en place par le nouveau gouvernement luxembourgeois d’un ministère de la digitalisation.

December 19, 2018

 Jean Diederich, président de l’APSI, membre de DIGITALEUROPE pour le Luxembourg, associé chez Wavestone, revient sur la mise en place par le nouveau gouvernement luxembourgeois d’un ministère de la digitalisation. A ses yeux, cette nouvelle instance garantir une approche plus ambitieuse de la digitalisation, une meilleure coordination des initiatives, qu’elles soient portées par le public ou le privé, en se donnant des ambitions fortes.

 

Le nouveau gouvernement luxembourgeois a mis en place un ministère de la digitalisation. Est-ce pour vous une bonne nouvelle ?

Cette démarche n’est pas nouvelle. D’autres pays en Europe, comme Malte, la France, l’Autriche, l’Italie…  se sont déjà inscrits dans cette voie. On peut évidemment se réjouir de voir ce ministère finalement mis en place. Je ne suis toutefois pas encore convaincu que cela suffira pour répondre aux enjeux qui se posent au Luxembourg en matière de digitalisation de l’économie et de la société en général. A l’heure actuelle, ce ministère n’a pas encore partagé ses ambitions ni communiqué sur la manière avec laquelle il va fonctionner. Pour l’APSI, il est essentiel de veiller à la mise en œuvre d’une politique ambitieuse et volontariste, qui va au-delà des enjeux de digitalisation des différentes administrations, en créant les conditions favorables à une meilleure transformation des acteurs du privé. C’est aujourd’hui essentiel.


Quels sont, à vos yeux, les principaux enjeux qui attendent le Luxembourg en matière de numérisation ?

Aujourd’hui, les initiatives existantes, tant au niveau de la sphère privée avec ICTLuxembourg, que dans le domaine public, avec Digital Luxembourg, ne fonctionnent pas de manière suffisamment efficiente. Nous souffrons d’un réel manque de coordination des acteurs. Si beaucoup de choses sont envisagées ou réalisées, cela se fait encore de manière trop éparse et inconsistante. Il faut que les chantiers soient abordés de manière plus coordonnée, à travers un ministère unique et, au-delà, une plateforme rassemblant les acteurs publics et privés. Il faut que, ensemble, les différentes parties prenantes développent un appétit plus grand pour les enjeux digitaux, pour mieux positionner le Luxembourg à l’échelle européenne. Jusqu’alors, nous n’investissons pas assez au niveau des grands chantiers orchestrés au niveau de l’Union européenne, en matière de e-privacy, de robotics regulation ou encore de cybersécurité, entre autres choses. Nous ne faisons pas suffisamment entendre la voix du Luxembourg. L’APSI s’est inscrit dans cette démarche en rejoignant DIGITALEUROPE. Mais nous restons un petit acteur qui reçoit un énorme support de DIGITALEUROPE. Il faut intensifier l’effort. Alors que les challenges sont nombreux, nous sommes encore trop dans l’autocongratulation.

 

Quels sont les risques et les lacunes du pays ?

On peut se réjouir de la cinquième position du Luxembourg dans le Digital Economy and Society Index (DESI) dressé par l’Union européenne. Toutefois, ce classement général ne traduit pas certaines lacunes. Si nous avons une infrastructure performante, c’est au niveau de la transformation digitale des entreprises que c’est difficile. En la matière, le Luxembourg a été rétrogradé de la 9eà la 22eplace. C’est très inquiétant. Les acteurs de l’économie ne se transforment pas suffisamment vite. On peut trouver plusieurs explications à ce phénomène. L’économie luxembourgeoise étant encore performante, les acteurs sont peut-être moins enclins à envisager de nouveaux modèles. Si on crée de la valeur, ce n’est pas suffisamment à travers le digital.

 

Comment le gouvernement peut-il davantage activer cette transformation ?

En réformant et en digitalisant l’administration dans son ensemble, et ce de manière coordonnée. Mais cette ambition n’est pas suffisante. Il faut créer les conditions nécessaires pour permettre au secteur privé d’évoluer vers des modèles plus digitaux. Aujourd’hui, on souffre d’un manque de talents digitaux qui doivent nous permettre de construire l’économie de demain. Le public doit nous permettre de les attirer plus facilement. D’autre part, les PME et PMI doivent se doter d’un leadership numérique plus important. Ces lacunes font que le Luxembourg ne se numérise pas assez vite. Cela se révèle notamment dans le développement d’offres au niveau du cloud, pas suffisamment consistantes, ou encore dans la manière avec laquelle on appréhende la cybersécurité. Chaque secteur, financier, industrie, commerce, administrations publiques … mettent en place leurs propres initiatives sans forcément considérer les besoins des autres secteurs. Or, ces enjeux sont devenus complexes et impliquent des moyens colossaux pour aller plus loin et suivre les meilleurs. Il faut donc pouvoir mettre en place des stratégies coordonnées pour apporter des réponses cohérentes capables de satisfaire le plus grand nombre, tant les citoyens et les administrations que les acteurs du privé.

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