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Un supercalculateur très attendu !

D’ici la fin de l’année 2018, le pays disposera d’un tout nouveau supercalculateur.

November 28, 2017

Jean-Marie Spaus, Project Manager- Ministère de l’Economie

Réunissant plusieurs pays européens à l’initiative du Luxembourg, le projet High Peformance Computing, prend corps. D’ici la fin de l’année 2018, le pays disposera d’un tout nouveau supercalculateur. Sa puissance, de l’ordre du pétaflop, doit servir le secteur de la recherche mais aussi l’innovation portée par les acteurs économiques. Jean-Marie Spaus, coordinateur du projet, évoque cette opportunité pour le Luxembourg. Article paru dans l’ITnation Mag Hiver 2017

Monsieur Spaus, depuis l’annonce de la mise en œuvre d’une initiative HPC, en 2015, quelles sont les avancées réalisées ?

Aujourd’hui, le projet prend une tournure concrète. C’est un projet ambitieux qui s’apprête à voir
le jour. Il est destiné à repositionner l’Union européenne dans le TOP 10 des puissances de calcul. On peut aujourd’hui affirmer que le Luxembourg disposera, d’ici la fin de l’année 2018, au plus tard au début 2019, d’un nouveau supercalculateur, dont la capacité sera de l’ordre du pétaflop. Nous pouvons aussi nous réjouir d’être le pays à l’initiative de ce projet qui implique aujourd’hui trois autres pays – comme la France, l’Espagne et l’Italie – qui partagent les mêmes ambitions.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi de telles ambitions sont importantes aujourd’hui ?

L’Union européenne est à la traîne dans le domaine. Ne nous figurons plus aujourd’hui dans le top 10 mondial de la puissance de calcul. Le classement est largement dominé par la Chine,
le Japon et les Etats-Unis. En troisième position, on trouve tout de même un supercalculateur suisse, entièrement dédié à la recherche. Il était important de repositionner l’Union européenne parmi les acteurs qui comptent. Car, derrière, il y a des enjeux économiques importants. Dans une économie centrée sur les données et digitalisée, il faut se donner les ressources les plus adaptées pour traiter les données et créer de la valeur. Sans cela, on risque de passer à côté de réelles opportunités. Il était donc essentiel de remobiliser les pays membres de l’UE et les industries, de les inviter à investir dans des super-ordinateurs, et delancer ainsi une dynamique centrée sur la digitalisation. La Commission européenne soutient d’ailleurs largement l’initiative, preuve que l’enjeu est réel.

Dans le cadre de ce projet, le Luxembourg est à la manœuvre à côté d’autres grands Etats européens… Qu’est qui pousse plus particulièrement le Luxembourg à investir dans ces infrastructures ?

La construction d’un supercalculateur au Luxembourg s’inscrit dans la suite des développements réalisés en matière d’infrastructure ces dernières années. Il y a d’abord eu les data centers, puis l’installation de la fibre pour faire du Luxembourg l’un des pays les mieux connectés au monde. Le plus petit bureau, où qu’il soit dans le pays, a aujourd’hui accès à la fibre. Nous avons créé un écosystème particulièrement favorable aux acteurs digitaux, au développement d’activités qui ont comme point de départ l’analyse de données. Le supercalculateur vient logiquement compléter cet écosystème.

Comment va-t-il pouvoir servir les acteurs de l’économie ?

Un supercalculateur est aujourd’hui un outil indispensable à l’innovation. On y a recours pour effectuer des modélisations et des simulations impliquant de très nombreuses variables. Grâce
à de tels outils, on peut considérablement accélérer le rythme d’innovation. Dans l’industrie automobile, bien représentée au Luxembourg à travers des fournisseurs de composants, on
a recours à l’HPC pour modéliser des pièces ou encore tester leur résistance au moyen de simulations. A travers ce nouvel outil qu’est le HPC, nous voulons permettre à tous les acteurs économiques, notamment aux PME innovantes, d’accéder à une importante puissance de calcul pour innover. L’idée est donc de mutualiste une importante puissance de calcul pour en démocratiser l’accès. Dans le cadre de la stratégie Rifkin de troisième révolution industrielle engagée au Luxembourg, c’est un outil indispensable. L’attente en la matière est réelle.
L’autre pan qui nous intéresse, avec cet investissement, réside dans les opportunités liées la convergence entre le HPC et le Big Data.

Qu’est-ce que cela recouvre ?

Au-delà des enjeux d’innovation, avec les modélisations ou les simulations que permet
une telle puissance de calcul, il y a un réel enjeu à pouvoir traiter rapidement et efficacement de grandes quantités de données issues de sources différentes, pour établir des prévisions ou développer de nouveaux services. Par exemple, nous emmagasinons des volumes astronomiques de données en provenance des satellites qui observent la terre. Demain, l’exploitation de
ces données pourra déboucher, grâce à ce supercalculateur, sur de nouvelles applications. L’industrie financière peut également créer de la valeur au départ des volumes de données dont elle dispose. Une puissance accrue de calcul devrait aussi permettre des avancées dans le domaine de la médecine personnalisée, en offrant par exemple la possibilité de mieux exploiter et comprendre des historiques de données.

Le supercalculateur luxembourgeois sera-t- il exclusivement orienté vers les acteurs du business ?

Non. Il est essentiel de fédérer une grande diversité d’acteurs autour de cet outil. Certes, la spécificité du supercalculateur luxembourgeois réside dans son orientation « business » alors que, dans d’autres pays, ces outils sont avant tout utilisé par le monde académique. Mais la volonté, ici, est de favoriser une plus grande collaboration entre le monde de la recherche – avec l’Université, le LIST, le LIH, le SNT ou encore le LCSB – et les acteurs de la société civile. Nous encourageons de cette manière une recherche appliquée et un transfert efficace de l’innovation. Le projet HPC doit renforcer cet écosystème, le rendant plus attractif encore. C’est un projet fédérateur, qui doit nous permettre d’attirer de nouveaux académiciens, désireux de profiter d’une telle puissance de calcul, mais aussi de nouveaux acteurs économiques. A ce niveau, l’engouement est déjà réel.

Le projet HPC de l’Union européenne implique plusieurs pays. Comment le Luxembourg est parvenu à convaincre la France, l’Espagne, l’Italie, et plus généralement l’UE de localiser cette infrastructure sur son territoire ?

Il faut d’abord bien comprendre que le projet n’implique pas la création d’un seul supercalculateur de nouvelle génération. Nous mettons tous en œuvre pour accueillir un des premiers superordinateurs européens de la classe pre-exascale au Luxembourg, avec une puissance de calcul de quelques centaines de pétaflops. D’autres supercalculateurs, plus puissants encore, verront le jour dans les autres pays participant à cette initiative. C’est une nouvelle dynamique qui se met en place. Le projet du Luxembourg, à l’heure actuelle, est le seul s’inscrivant dans une approche de R&D au service de l’industrie. Il est probable que dans les autres pays, ces outils soient principalement utilisés par les acteurs de la recherche. Pour répondre à votre question, le fait que le Luxembourg se soit vu confier la coordination d’un tel projet peut s’expliquer par plusieurs de ses atouts. Il y a d’abord sa neutralité vis-à-vis des intérêts des différentes puissances au sein de l’Union européenne. On peut aussi citer le multilinguisme, qui facilite les échanges entre acteurs.

Quelles sont les étapes de développement à venir pour la construction de ce supercalculateur ?

Aujourd’hui, nous sommes occupés à définir les spécifications de l’infrastructure qui sera construite au Luxembourg. Dans ce contexte, nous discutons avec l’ensemble des acteurs concernés, le monde de la recherche comme celui de l’industrie, pour bien comprendre et définir les attentes. Une fois les besoins luxembourgeois établis, il faudra envisager les étapes de construction, avec les experts concernés.

Comment comptez-vous capitaliser sur l’expertise qui sera créée autour de ce développement ?

Le projet doit servir à établir de nouveaux standards. En matière de design de la machine, des efforts importants sont consentis. Au-delà, l’idée est de créer un centre de compétences autour du HPC, afin notamment d’aider les acteurs économiques à développer des compétences en
la matière et de les soutenir dans l’utilisation de la technologie au service de l’innovation.

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