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Uber : la fin de la récré a-t-elle été sifflée ?

Fin décembre, la Cour de Justice de l’Union européenne tranchait : Uber est une entreprise de transport, et non un simple service numérique. A ce titre, elle tombe sous la réglementation des Etats membres de l’Union européenne et doit donc se soumettre aux mêmes contraintes que les acteurs du secteur. Doit-on voir là un frein au développement de ces plateformes innovantes ?

January 15, 2018

Uber, Airbnb et bien d’autres plateformes numériques sont régulièrement accusées de biaiser des pans de marché tout entier. Et c’est à ce titre, d’ailleurs, qu’ils peuvent être qualifiés de disrupteurs et séduisent les consommateurs. Pour les acteurs traditionnels du secteur qu’elles viennent perturber, ces plateformes numériques sont plutôt considérées comme une concurrence déloyale, puisqu’elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes.

 

Actuellement, et dans chaque Etat membre de l’Union européenne, c’est autour d’Uber et d’Airbnb, fers de lance globaux de l’économie numérique « collaborative », que les débats sont les plus vifs.

 

Uber, une société de transport avant tout

Le 20 décembre dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne tranchait sur le débat. La plus haute instance judiciaire de l’Union, dans le cadre d’une procédure lancée par une association professionnelle de chauffeurs de taxis en Espagne, avait été sollicitée par un juge espagnol. L’association se disait victime de concurrence déloyale, le service d’Uber pouvant être exempté des licences et agréments propres à la profession en Espagne. Dans ce débat, Uber s’est contenté de se positionner non pas comme une entreprise de transport mais comme un simple service numérique jouant le rôle d’intermédiaire entre particuliers et chauffeurs.

La Cour a été dans le sens de son avocat général, qui estimait en mai dernier que « la plateforme électronique Uber, tout en étant un concept innovant, relève du domaine du transport » principalement, et qu’elle doit donc « posséder des licences et agréments requis par le droit national ».

Avec son arrêt, en décembre, la CJUE confirme donc qu’Uber n’est pas juste un service d’intermédiation. Pour la Cour, Uber crée « une offre de services de transport urbain qu’il rend accessible notamment par des outils informatiques ». Elle estime que son offre relève du « service dans le domaine des transports » au sens du droit de l’Union européenne. Par conséquent, il doit être « exclu du champ d’application de la libre prestation des services en général ainsi que de la directive relative aux services dans le marché intérieur et de la directive sur le commerce électronique ».

 

Soumis aux mêmes contraintes

La Cour sifflait de cette manière la fin de la récré pour Uber et montrait à tous que l’on ne peut s’exempter des règles existantes en s’auto-attribuant la qualification de service numérique.

Autrement dit, il est « possible d’imposer à Uber l’obligation de disposer d’une autorisation administrative préalable ». La société doit ainsi posséder les licences requises par le droit de chaque Etat membre de l’Union européenne.

Si Uber a tendance à minimiser l’impact de cette décision sur son business, c’est une bataille de gagnée pour les chauffeurs de taxis traditionnels. En devant se soumettre aux règles nationales, Uber risque de voir sa capacité à transformer radicalement le marché diminuer. Tout du moins, ce n’est plus sur le prix, d’abord, qu’Uber fera la différence. Les mêmes règles du jeu étant valables pour tout le monde, Uber et les chauffeurs de taxis, c’est sur d’autres terrains que la concurrence va jouer.

A ce titre, il ne faut pas minimiser l’importance de l’efficience du service Uber et de l’expérience client proposée, d’autres atouts forts d’Uber. Cependant, la société américaine doit faire face à d’autres batailles, relatives à la rémunération de ses chauffeurs, notamment, et des congés dont ils pourraient profiter.

 

Quelles conséquences pour les autres plateformes ?

La décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne fera date. D’autres sociétés, comme Airbnb ou des sociétés de coursiers, pourraient être affectées par le jugement. Les modèles des uns et des autres, cependant, divergent et doivent être évalués distinctement. Airbnb, contrairement à Uber, laisse à chacun la liberté de fixer le prix de location du logement. Mais ces nouveaux fournisseurs de logements pourraient, selon le pays, être soumis à d’autres contraintes.

La décision de la CJUE peut réjouir les chauffeurs de taxis espagnols, et beaucoup d’autres à travers l’Union européenne. D’autres promoteurs de services numériques européens verront peut-être dans cette décision une opportunité de lancer des alternatives à Uber, jusque-là difficile à concurrencer sur le prix.

A contrario, cette décision peut aussi être considérée comme un frein au déploiement de services innovants en Europe. En effet, devant se soumettre à une multitude de législations distinctes, les gestionnaires de plateformes comme Uber, dont l’objectif est de proposer un même service à large échelle, pourraient être plus rétifs à investir ces marchés restreints, qui disposent chacun d’une législation spécifique.

Au Luxembourg, le Gouvernement a clairement affirmé il y a plusieurs mois son point de vue à l’égard d’Uber. Les dirigeants d’Uber sont évidemment les bienvenus au Luxembourg, à condition de respecter leurs obligations sociales. Et il n’est pas certain que le modèle Uber, considérant la taille du marché luxembourgeois, s’accommode de ces exigences.

 

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